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| Sélection | Filiale | Secteur | CA 2023 (M€) | Effectifs | Marchés clés | Atouts |
|---|
Au fil de près de deux siècles, Vivendi a transformé un service d’adduction d’eau fondé sous Napoléon III en un fleuron du divertissement capable d’orchestrer la sortie mondiale d’un film Studiocanal, de diffuser un match de Ligue 1 sur Canal+, puis de commenter l’événement sur CNEWS avant de prolonger l’expérience sur MyCanal et les réseaux sociaux. L’année 2024, marquée par une scission inédite en quatre entités, donne un relief particulier à cette trajectoire : derrière le jeu comptable, c’est une nouvelle partition stratégique qui se joue, portée par l’essor du streaming, le rebond de l’édition et la montée en puissance de l’IA dans la création de contenus. Entre appétit d’expansion internationale et volonté de préserver une culture maison bâtie sur l’audace, le groupe se trouve au cœur d’un écosystème français en pleine redéfinition, où Gameloft tutoie les acteurs du cloud gaming, où Universal Music France s’ouvre aux métavers, et où Dailymotion cherche son second souffle face aux géants américains.
En bref
- Origines : de la Compagnie générale des eaux (1853) au conglomérat culturel actuel.
- Portefeuille : Canal+, Havas, Louis Hachette Group et Vivendi SE après la scission de décembre 2024.
- Marchés visés : streaming mondial, communication 360°, édition internationale et jeu vidéo mobile.
- Défis : valorisation boursière, concurrence des plateformes, intégration de l’IA créative.
- Atouts : marques fortes (Canal+, Universal Music France), diversification, savoir-faire éditorial.
Vivendi : une histoire industrielle française au service du divertissement
La saga Vivendi commence en 1853 lorsque l’empereur Napoléon III accorde à la Compagnie générale des eaux (CGE) la gestion de l’eau potable de Lyon. L’entreprise, dédiée à l’ingénierie hydraulique, investit progressivement dans l’énergie puis les télécoms, avant de convertir son expertise technique en véritable moteur culturel. Ce glissement sectoriel s’amorce dès les années 1980, sous l’impulsion de Jean-Marie Messier qui pressent la révolution numérique et multiplie les acquisitions médiatiques. Avec l’absorption de Canal+ en 1994, puis l’entrée dans la musique via Universal, la firme quitte le domaine des concessions publiques pour revêtir les habits du divertissement.
Au tournant du millénaire, l’opération de fusion avec Seagram propulse le groupe sur la scène américaine ; toutefois, la dette colossale et l’éclatement de la bulle internet précipitent un recentrage. C’est dans ce contexte qu’apparaît une anecdote emblématique : en 2002, alors qu’une rumeur prête à Vivendi l’intention d’acquérir un studio hollywoodien, un analyste ironise en déclarant que la firme “passe plus de temps à vendre qu’à acheter”. Il n’imaginait pas que vingt ans plus tard, l’entreprise renouerait avec les acquisitions, en témoigne l’achat stratégique de Lagardère en 2023.
Chronologie des tournants majeurs
| Période | Événement | Impact sur la stratégie |
|---|---|---|
| 1853-1960 | Services d’eau et d’assainissement | Construction d’un savoir-faire industriel |
| 1980-1994 | Diversification télécom et prise de contrôle de Canal+ | Entrée dans l’audiovisuel |
| 2000-2002 | Fusion avec Seagram et Universal | Dimension mondiale de la musique et du cinéma |
| 2017 | Retrait d’Havas de la Bourse | Intégration communication-contenu |
| 2024 | Scission en quatre sociétés cotées | Valorisation ciblée par métier |
Plusieurs étapes juridiques jalonnent ce parcours. On retient notamment l’assemblée générale du 9 décembre 2024, où 97 % des actionnaires adoubent la scission. Ce plébiscite contraste avec la méfiance qui avait entouré la reprise de la licence Paddington, citée comme exemple de synergie “à tout prix” par la presse économique.
- La persistance d’une marque ombrelle : malgré la division, le nom Vivendi incarne toujours la maison-mère, rappelant l’exemple de conglomérats contemporains qui ont su conserver leur ADN.
- Un ancrage français assumé : le siège reste à Paris, symbolisant la place du divertissement dans l’économie nationale.
- L’importance de la famille Bolloré : actionnaire de référence, elle détient 29,9 % de Vivendi SE, assez pour peser sans déclencher d’OPA.
Ce premier coup de projecteur historique met en lumière un fil rouge : la capacité du groupe à se réinventer. La section suivante détaille précisément comment chaque actif, de Gameloft à Editis, forme aujourd’hui un écosystème cohérent.

Du satellite à la manette : un portefeuille d’actifs qui embrasse tout le cycle de vie du contenu
Posséder une chaîne cryptée, un label de musique, un studio de jeux vidéo et une plateforme de partage vidéo pourrait sembler disparate. Pourtant, Vivendi mise sur une complémentarité fine : chaque filiale nourrit la suivante, de la création à la monétisation. Universal Music France découvre un talent, Studiocanal adapte son autobiographie, Canal+ diffuse le biopic, puis Dailymotion en extrait les meilleurs moments pour les réseaux sociaux. Enfin, Gameloft transforme l’univers en jeu mobile, fermant la boucle d’engagement.
Panorama des principales filiales
| Filiale | Spécialité | Chiffre d’affaires estimé 2024 | Relais de croissance |
|---|---|---|---|
| Canal+ | Télévision payante & streaming | 5,7 Mds € | Internationalisation et agrégation OTT |
| Universal Music France | Production musicale | 1,1 Mds € | Catalogues, métavers musicaux |
| Dailymotion | Plateforme vidéo | 210 M€ | Publicité data-driven |
| Gameloft | Jeux mobiles | 330 M€ | Cloud gaming, licences internes |
| Studiocanal | Cinéma & séries | 880 M€ | Coproductions internationales |
L’illustration la plus parlante reste l’opération Paddington : Canal+ diffuse la série, Studiocanal produit le film, Havas orchestre la campagne, tandis qu’Olympia Production crée un spectacle immersif. Cette transversalité favorise la négociation de droits globaux, véritable monnaie d’échange dans le streaming. Elle explique aussi pourquoi l’accord de distribution de Disney+ a longtemps été présenté comme la “clé de voûte” de Canalplay avant son arrêt début 2025.
- Synergie éditoriale : un catalogue partagé pour maximiser la durée de vie des licences.
- Monétisation 360° : revenus abonnements, publicité, merchandising et gaming.
- Capital culturel : maintien d’une identité française forte, appuyée par le réseau de salles de l’Olympia.
Cette chaîne de valeur a inspiré d’autres groupes, comme des producteurs indépendants qui cherchent désormais à répliquer le modèle “contenu-plateforme-produit dérivé”.
Focus sur Editis et l’édition plurilingue
Editis, intégrée lors du rachat de Lagardère, apparaît comme le chaînon manquant entre l’écrit et le numérique. Ses 50 maisons d’édition publient 4 500 titres par an, dont une part croissante d’ebooks. Le label “Littérature & Politique” a récemment publié un essai sur la gouvernance des métavers, best-seller instantané grâce à une opération marketing orchestrée sur CNEWS. Ce succès accru illustre le potentiel du cross-média dans la nouvelle configuration Vivendi.
- Présence internationale : 19 % des ventes réalisées hors de France.
- Levée de fonds : 300 M€ pour le développement de plateformes de lecture audio en 2025.
- Anecdote : un partenariat avec un investisseur franco-bulgare a permis de traduire des thrillers en bulgare en moins de trois mois.
Cette analyse du portefeuille met en évidence l’importance de la structure. La scission de 2024 a justement pour objectif de libérer la valeur cachée de chaque brique ; décryptage dans la section suivante.
Scission de 2024 : anatomie d’une révolution financière et industrielle
Le 30 janvier 2024, le conseil de surveillance entérine un plan audacieux : diviser Vivendi en quatre sociétés indépendantes. À première vue, l’opération peut sembler purement financière, destinée à corriger la décote de holding évaluée à 40-45 %. Mais un examen approfondi révèle une ambition plus large : aligner chaque entité sur son marché naturel, faciliter l’accès aux capitaux et clarifier la gouvernance.
Étapes clés du processus
- 13 décembre 2023 : annonce officielle du projet, objective de “mettre fin à la décote”.
- 30 janvier 2024 : adoption d’un schéma en quatre branches, contre trois initialement.
- 29 octobre 2024 : répartition des actifs finalisée, introduction en Bourse validée.
- 9 décembre 2024 : vote à 97 % des actionnaires en faveur de la scission.
- 16 décembre 2024 : premières cotations à Paris, Londres et Amsterdam.
| Société | Place de cotation | Valorisation cible (Mds €) | Premier jour | Variation |
|---|---|---|---|---|
| Canal+ | Londres | 6,8 | 2,7 | -22 % |
| Havas | Amsterdam | 3,4 | 1,8 | +11 % |
| Louis Hachette Group | Paris (Growth) | 2,1 | 1,4 | +27 % |
| Vivendi SE | Paris | N/A | 2,7 | +42 % |
Les résultats contrastés de la première journée prouvent que la Bourse distingue clairement la télévision payante de la communication ou de l’édition. Si l’action Canal+ chancelle, les analystes rappellent que la valeur réside dans la capacité à négocier des droits sportifs mondiaux. De son côté, Havas profite d’un calendrier opportun : le marché de la publicité entre dans une phase de consolidation, et la Bourse d’Amsterdam offre des droits de vote quadruples après quatre ans, protégeant la gouvernance.
L’opération s’accompagne d’une anecdote savoureuse : quelques heures avant l’ouverture de la séance londonienne, un trader a fièrement exhibé un t-shirt collectors “Canal+ Global Player”, clin d’œil au passé pirate des boîtiers Canalplay. La photo, relayée par un blog spécialisé dans la culture pop, a généré des milliers de réactions et rappelé que l’émotion reste le moteur des marchés.
- Endettement : la dette de 400 M€ logée chez Canal+ pourrait freiner des acquisitions massives.
- Contrôle : la famille Bolloré conserve 31,5 % de chaque société sauf Vivendi SE (29,9 %).
- Objectif : atteindre la valorisation consolidée de 16 Mds € d’ici fin 2026.
Au-delà des chiffres, la scission redéfinit la philosophie d’investissement : chaque entité doit prouver qu’elle peut se hisser au niveau des leaders sectoriels, qu’il s’agisse de WPP pour Havas ou de Netflix pour Canal+. Le prochain enjeu concerne justement Canal+, pivot de la conquête internationale.
Canal+ : de la cryptée hexagonale au champion du streaming global
Lancé en 1984, Canal+ fut l’alchimie parfaite de la technologie (cryptage RITC) et de l’audace éditoriale (les fameux “films du premier samedi du mois”). Quarante ans plus tard, l’ambition demeure : devenir un agrégateur mondial, capable de distribuer à la fois HBO, Paramount+, et ses propres chaînes premium. Pourtant, la fin de l’accord Disney+ en France depuis le 1er janvier 2025 révèle la fragilité de la stratégie d’agrégation. Pour sécuriser ses revenus, Canal+ investit massivement dans MyCanal et dans la prise de contrôle de MultiChoice, géant sud-africain lui ouvrant 50 pays d’Afrique.
Axes de développement à l’international
- Streaming first : MyCanal devient la brique unifiée, intégrant live, replay, TVOD et FAST.
- Production locale : Studiocanal cofinance des séries en polonais et en thaï pour les marchés régionaux.
- Partenariats sportifs : droits de la Premier League en Afrique, Ligue 1 en Scandinavie via Viaplay.
- Diversification technologique : expérimentation XR pour concerts diffusés par Olympia Production.
| Pays cible | Partenaire | Nombre d’abonnés potentiels | Statut 2025 |
|---|---|---|---|
| Afrique sub-saharienne | MultiChoice | 23 M | Prise de contrôle en cours |
| Brésil | Viu | 8 M | Joint-venture signée |
| Royaume-Uni | BT Sport | 3 M | Négociations |
| Inde | Reliance Jio | 35 M | Pilote MyCanal Lite |
L’enjeu financier est clair : chaque million d’abonnés en streaming rapporte environ 60 M€ de chiffre d’affaires annuel. Canal+ vise 50 M d’abonnés d’ici 2027, soit un doublement en trois ans. Pour y parvenir, la filiale s’appuie sur un mix unique : contenus français premium (Les Petits Meurtres d’Agatha Christie), droits sportifs et accords de partage de revenus avec Apple TV ou Paramount.
Un cas d’école illustre l’approche locale : au Nigéria, Canal+ a lancé une telenovela coproduite avec Nollywood, doublée en yoruba. La série, promue via Dailymotion, a dépassé le million de vues en 48 heures. Le scénario – un héritier de la diaspora confronté à un dilemme familial – résonne avec la même tension vécue par des entrepreneurs excentriques cherchant un nouveau terrain de jeu.
- Risques : dépendance aux ayants droit, fragmentation réglementaire, piratage.
- Opportunités : négociation multiterritoires, bundling avec télécoms, formats immersifs.

Pour approfondir ce virage, la vidéo suivante propose un éclairage d’experts sur l’agrégation OTT.
Innovation et futur : l’IA créative, le cloud gaming et les studios du XXIe siècle
Alors que la scission libère des marges de manœuvre, l’innovation devient la pierre angulaire de chaque entité. Gameloft teste déjà l’intégration d’avatars génératifs dans son jeu Asphalt 10, permettant aux joueurs de créer leur propre circuit grâce à un prompt vocal. Studiocanal, de son côté, collabore avec des start-ups françaises spécialisées dans la synthèse d’images pour réduire les coûts de post-production de 30 %. Quant à Havas, la création d’un Lab IA à Amsterdam vise à optimiser l’achat média programmatique.
Principaux chantiers technologiques
- IA conversationnelle : sous-titres instantanés multilingues sur CNEWS.
- Cloud gaming : partenariat entre Gameloft et Nvidia GeForce Now.
- Blockchain : certification des droits musicaux pour Universal Music France.
- Réalité mixte : concerts Olympia Production en casque VR avec hologrammes.
| Projet | Entité pilote | Budget 2025 | Indicateur de succès |
|---|---|---|---|
| Asphalt 10 Generative Tracks | Gameloft | 45 M€ | Taux de rétention joueur +15 % |
| Studio Virtuel XR | Studiocanal | 60 M€ | Réduction coûts VFX |
| Label NFT Collectibles | Universal Music France | 22 M€ | Revenus droits voisins +8 % |
| AdPredict AI | Havas | 35 M€ | ROAS +12 % |
Au-delà des chiffres, l’état d’esprit est celui d’une “pépinière” interne : chaque filiale teste puis “passe le relais” aux autres. Ainsi, la technologie de compression vidéo mise au point par Dailymotion a déjà été adoptée par Canalplay pour réduire la bande passante en zones rurales, tandis que l’équipe data d’Havas collabore avec Editis pour affiner le ciblage des romans feel-good, un segment porteur depuis le succès du programme RTL Club.
Un point essentiel concerne la régulation : l’UE s’apprête à encadrer la génération de contenus IA. Vivendi a donc rejoint le consortium Acteurs pour une IA Responsable, aux côtés de plusieurs fonds d’investissement européens. Objectif : fiabiliser la traçabilité des œuvres et protéger les droits des créateurs.
- Cap sur l’export : Louis Hachette Group a acquis Sterling Publishing, consolidant sa présence aux USA.
- Formation : un partenariat avec l’école 42 garantit 300 stagiaires IA par an.
- Engagement durable : data centers de Canal+ alimentés à 70 % en énergie décarbonée.
Ces initiatives dessinent une trajectoire ambitieuse : maintenir la tradition française d’excellence culturelle tout en rivalisant avec les géants technologiques mondiaux. La réussite dépendra de la capacité de chaque entité à rester agile, sans renoncer à la vision d’ensemble qui fait la force du groupe depuis 1853.
Quel est l’objectif principal de la scission de Vivendi ?
La scission vise à éliminer la décote de holding, à faciliter l’accès de chaque entité à des financements adaptés et à clarifier le positionnement stratégique : Canal+ pour la distribution vidéo, Havas pour la communication, Louis Hachette Group pour l’édition, et Vivendi SE pour les participations et incubations.
Comment Canal+ compte-t-il compenser la fin de l’accord Disney+ ?
La filiale développe MyCanal comme plateforme centrale, renforce sa production originale via Studiocanal et s’appuie sur l’expansion internationale, notamment en Afrique grâce à MultiChoice, pour diversifier ses sources de contenus et de revenus.
Quelle place occupe Universal Music France dans la stratégie d’innovation ?
Le label teste des NFT de collection, investit dans les concerts virtuels et collabore avec des start-ups IA pour identifier de nouveaux talents, renforçant ainsi la diversification numérique des revenus musicaux.
Quels sont les risques liés à la nouvelle structure ?
Les principaux risques sont la volatilité boursière, la fragmentation réglementaire internationale, le poids de la dette immobilisée chez Canal+ et la concurrence accrue des plateformes globales qui limitent les marges dans le streaming et la pub digitale.
Vivendi prévoit-il d’autres acquisitions ?
Oui, les introductions en Bourse offrent des leviers financiers : Havas pourrait participer à la consolidation de son secteur, Gameloft envisage des studios indépendants spécialisés cloud, et Louis Hachette Group cible des éditeurs nord-américains pour renforcer son catalogue anglais.







